Le Faux Rhum de Methos
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 L’homme de la caverne

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5 participants
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Frédéric
Buveur de bière
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Frédéric


Messages : 34

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MessageSujet: L’homme de la caverne   L’homme de la caverne EmptyJeu 30 Juin - 20:27

La sonnette de la porte, petit grelot résonnant en un tohu-bohu miniature à chaque fois que le montant de bois le bousculait avec plus ou moins de force et de rapidité selon la personne, retentit une nouvelle fois. Ce n’était pas que les visites étaient exceptionnelles, loin s’en fallait – après tout, cette bibliothèque scientifique était une référence dans le petit monde de la géologie – alors pourquoi Myriane leva-t-elle les yeux à cet instant ? Peu importe.
Elle était plongée dans un épais ouvrage sur les schistes bitumeux, didactique, certes, mais guère passionnant dans l’absolu ; toute sa concentration était nécessaire pour extraire du texte technique les données aléatoires qu’elle recherchait pour sa thèse, et peut-être son regard ne s’est-il détaché des pages que pour réfléchir à une équation, ou même par un simple mouvement de tête destiné à soulager son cou raidi par des heures de lecture assidue. Toujours est-il que dès que l’inconnu est entré dans la vaste pièce lambrissée, les yeux de la jeune femme ne l’ont plus quitté.

Il lui avait semblé particulier même à sa façon d’ouvrir la porte. Cela n’a l’air de rien, mais c’est très révélateur sur la personnalité de quelqu’un, comme un avant-propos sur sa façon d’occuper l’espace, une préface au comportement dans la vie… Il y a ceux qui pressent à peine la poignée, passent le seuil en s’excusant presque et referment avec un soin exagéré derrière eux. Il y a ceux qui entrent en coup de vent, au risque d’arracher la porte de ses gonds et de percuter celui qui aurait le malheur de se tenir derrière. Ceux qui ouvrent vite et referment lentement, ceux qui ouvrent doucement et referment avec force. Ceux qui n’osent pas entrer et ceux qui ne se donnent pas la peine de refermer. Lui, quand il est entré, c’était comme si la lourde porte n’avait pas bougé. Il n’était pas là et l’instant d’après il s’accoudait au comptoir de la documentaliste, comme s’il était passé à travers le bois, non par souci de ne pas déranger, mais par habitude de ne pas se faire remarquer.
Il avait la démarche souple et fluide d’un danseur, et le moindre de ses gestes dénotait une précision, une économie de mouvements qui lui donnait une sorte d’assurance, l’air d’être parfaitement sûr de lui et de ses actions, contrairement à ce que le jeu de son visage pourrait laisser croire. Son front haut, ses traits anguleux, son nez assez fort n’aidaient pas à lui donner un âge. Sans doute une bonne trentaine, peut-être un peu plus. Il portait un pantalon de toile sombre et des mocassins usagés, une chemise de velours vert sombre, couverte d’un long manteau noir descendant plus bas que les genoux, assez original et plutôt chaud pour la saison.
Myriane n’était pas tout près de lui, mais elle s’absorba complètement dans la contemplation de cet inconnu mystérieux. Il n’était pas spécialement beau, n’avait même rien de vraiment remarquable, et pourtant ses yeux restaient fixés sur lui, au mépris de toute discrétion. Elle détaillait les petits plis à la commissure de ses lèvres, la forme de son torse qui trahissait une musculature développée, son port de tête altier malgré son air humble et discret.

Soudain, le cœur de la jeune femme manqua un battement. L’inconnu venait de se tourner vers elle et la fixait droit dans les yeux. Il fallut une seconde à Myriane pour qu’elle remarque que ce n’était pas dû à une empathie ou à quelque message passé par l’intensité de son regard, mais parce que la documentaliste la désignait de la main. L’homme la remercia et se dirigea vers Myriane, qui fit mine de se replonger dans son étude sur les volcans et tenta de masquer son trouble grandissant à chaque pas qu’il faisait dans sa direction.
Il s’immobilisa devant sa table et se racla poliment la gorge pour attirer son attention. Elle posa son crayon un peu trop brutalement, redressa la tête un peu trop rapidement. A présent qu’il était juste là, tout proche, elle se perdit complètement dans ce que son anatomie a de plus fascinant. Ni vert ni bruns, discrètement pailletés d’or et de bleu, ses yeux avaient un éclat que jamais elle n’avait remarqué chez quiconque, à part peut-être chez ce bel antiquaire dans le quartier nord chez qui elle aimait flâner, comment s’appelait-il déjà ? un nom écossais… Embarrassée, Myriane se rendit soudain compte que l’inconnu était en train de lui parler mais elle avait si peu prêté attention à ses paroles qu’elle aurait été bien en peine de les répéter. Il se tut et la regarda, un sourcil légèrement soulevé, attendant une réponse.
- Je… je suis désolée… bafouilla-t-elle, intérieurement furieuse de sa gaucherie. Vous disiez ?
Il lui adressa un petit sourire en coin. « Oh bravo, ça y est, il me prend soit pour une sourde, soit pour une débile, voire les deux avec un peu de chance. », se dit-elle en tendant l’oreille cette fois-ci. Mais il lui répéta gentiment sa demande, sans montrer le moindre agacement. La documentaliste l’avait envoyé vers elle car il recherchait des informations sur la géologie de la région que Myriane avait étudiée en détail pour sa thèse. Il lui proposa de l’embaucher quelques jours pour le guider à travers les intéressantes formations de micaschistes et autres concrétions calcaires. Pour justifier son attrait tout de même assez spécifique, il se disait amateur aisé, et prétendait souvent faire appel à des étudiants pour en apprendre davantage. La somme qu’il lui proposait pour trois jours de randonnée, sans être mirobolante, suffit à lever les hésitations que Myriane n’avait de toute façon pas. Rendez-vous fut pris pour le week-end suivant.

Le fracas des wagons d’un train très loin dans la vallée était le dernier écho de civilisation qui parvenait jusqu’à eux. La forêt autour était si dense que Myriane s’attendait presque à voir un tigre en bondir, et pourtant ce n’était pas sa première balade dans la région… mais le moins qu’on puisse dire était que son « client » n’hésitait pas à s’enfoncer au cœur de nulle part, là où les Montagnes Rocheuses formaient un origami minéral inextricable. Elle se demandait de plus en plus pourquoi il l’avait embauchée. De toute évidence, il était plus qu’habitué au déplacement en terrain difficile, il était même équipé d’une machette particulièrement longue et tranchante sur les deux faces (qu’il fallait beaucoup de sens pratique pour ne pas appeler une épée), avec laquelle il taillait parfois un chemin dans les branches. Ils marchaient ainsi en silence depuis des heures, et l’étudiante commençait à fatiguer, sans compter qu’elle réalisait à quel point elle était folle de suivre ainsi un homme qu’elle ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam (enfin, Adam, si, c’était son prénom) dans un des lieux les plus isolés qu’on puisse trouver. Enfin, arrivé à une petite clairière, il s’arrêta brusquement, attendit qu’elle le rejoigne et reprenne son souffle. « Nous y sommes. » dit-il simplement. La jeune femme regarda autour, cherchant le moindre signe que l’endroit soit différent du reste. « Nous y sommes… où ? » finit-elle par demander sans cacher une pointe d’agacement, en jetant un œil au cadran de sa montre.

« Il y a une série de grottes, juste en dessous », répondit-il. « J’aurais besoin de votre avis d’experte, je cherche un lieu sûr pour du… stockage à long terme ».
« Ici ? Quoi que vous vouliez entreposer, ce sera impossible à amener ! »
« J’ai tout mon temps. Dites-moi juste si les couches de calcaire et de basalte sont bien étanches. »
Après tout, c’est pour ça qu’elle avait été embauchée… elle sortit donc ses instruments et se mit au travail. Son patron provisoire avait clairement déjà étudié la question, elle ne put que confirmer que l’endroit était parfait, la crypte laïque naturelle difficile d’accès et plus dure encore à trouver n’avait pas été dérangée depuis des millénaires, pas de raison que cela change à l’avenir dans cette zone peu sismique.

Le feu crépitait doucement, Myriane fixait les flammes mais son attention était portée sur l’homme tranquillement occupé à tondre machinalement du bout des doigts les brins d’herbe autour de lui.
« Vous ne voulez vraiment pas me dire pourquoi… vous faites tout ça ? » finit-elle par demander, ne supportant plus le silence.
« Si, maintenant je peux si vous voulez. C’est mon anniversaire aujourd’hui. »
« Bon anniversaire ! » répondit-elle automatiquement. « Mais quel est le rapport ? »
« C’est toujours l’occasion d’une certaine remise en question, une préparation de l’avenir… j’ai des souvenirs précieux, des écrits que je garde depuis… un bon paquet d’années. Ma cachette précédente était impeccable, mais elle est rattrapée par la civilisation, un lotissement va se construire au-dessus. Ici, j’aurais de nouveau un peu de temps. »
Myriane fronce les sourcils, hésite à approfondir la question tant le début de réponse est étrange.
« Drôle de cadeau d’anniversaire que vous en vous faites en tous cas, Monsieur Pierson. Une grotte, c’est original. »
« Oh mais ce n’est pas ça le cadeau. La caverne, c’est joindre l’utile à l’agréable, profiter de l’occasion. »
« Pas de cadeau alors ? C’est triste. Si j’avais su, j’aurais… »
« Si si, je me fais un cadeau. Pas souvent, pas à chaque anniversaire, mais parfois. Je cède à une ancienne passion, une habitude dont je n’ai jamais totalement pu me défaire. »
Il se tait et se penche pour attraper son gros sac de randonnée, tandis que la jeune femme passe mentalement en revue les possibilités. Une cigarette ? Une bouteille d’alcool ? Un joint ? Ou pire… une ligne de coke ?
Ses réflexions sont brutalement interrompues par une douleur si intense qu’elle passe au-delà de toute sensation, tandis qu’une longue lame d’acier traverse son torse de part en part, s’enfonçant avec une froide méthode et une terrible lenteur d’appréciation. C’est qu’il faut faire durer le moment, il est devenu si rare ces derniers siècles !

Le sang bouillonnant jaillit à flot, noie la lame, se répand sur les mains de l’homme qui ne cherche pas à l’éviter, au contraire. Il en respire l’odeur poisseuse, en palpe la texture, tandis que des millénaires de souvenirs lui reviennent. Sanglante madeleine pour de bien sombres réminiscences, mais qui font partie de son être, en ont toujours fait partie, et seront probablement toujours avec lui. Même juste une fois par an, lorsque l’envie se fait trop forte, la mémoire trop présente.
Les mains toujours maculées, il lève vers les étoiles sa gourde d’eau de source puisée sur le chemin, et boit à la mémoire de ses anciens compagnons d’arme, les autres cavaliers qui, eux, n’attendent plus l’apocalypse.
« Bon anniversaire, Death. » dit l’homme isolé.
A l’année prochaine.
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MessageSujet: Re: L’homme de la caverne   L’homme de la caverne EmptySam 2 Juil - 16:05

Citation :
Ni vert ni bruns, discrètement pailletés d’or et de bleu, ses yeux avaient un éclat que jamais elle n’avait remarqué chez quiconque, à part peut-être chez ce bel antiquaire dans le quartier nord chez qui elle aimait flâner, comment s’appelait-il déjà ? un nom écossais…
Roooh j’adore ^^

Citation :
« Il y a une série de grottes, juste en dessous », répondit-il. « J’aurais besoin de votre avis d’experte, je cherche un lieu sûr pour du… stockage à long terme ».
Ben, avec l’actualité qu’il y a en ce moment, je trouve cette réponse très effrayante. Un bon endroit pour se faire violer, torturer et enterrer sans jamais qu’on puisse la retrouver…


Ah m*** c’est horrible cette fin !!! Je pensais qu’Atalante l’avait écrite, mais je me ravise, un coup comme ça, ça ne peut être que Fred !!!
Comme quoi le cavalier qui est en lui n’est pas mort, il est juste en sommeil … Et finalement j'avais eu l'œil ^^
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MessageSujet: Re: L’homme de la caverne   L’homme de la caverne EmptyDim 7 Aoû - 20:23

OMG... cette fin! Mais... alors que... Pourquoi?

T_T

a part ça (je vais essayer de varier un peu) j'aime bien l'écrit... Les touches d'humour et tout...

Mais cette fin...

Non, j'en reviens pas...
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Némésis
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Némésis


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MessageSujet: Re: L’homme de la caverne   L’homme de la caverne EmptyVen 2 Sep - 17:21

J'aime beaucoup comment Methos est décrit dans les yeux de la fille, par contre la fin.... Heuuuuu.... j'ai du mal.
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MessageSujet: Re: L’homme de la caverne   L’homme de la caverne EmptyJeu 29 Sep - 7:08

Je trouve cette fin on ne peut plus innatendu. C'est excellent !
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MessageSujet: Re: L’homme de la caverne   L’homme de la caverne Empty

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