Mais dans quoi s’était-il embarqué ? Quelle idée stupide il avait eue !!! Le vieil handicapé à l’allure innocente mais qui en vérité en ferait frémir plus d’un, se prenait la tête sur la façon de faire rentrer une
série de bougies sur un gâteau d’anniversaire. Bon bien sûr, il l’avait prévu grand ce gâteau… Mais 5000 bougies ! Il aurait pu prendre des bougies en chiffre mais il ne connaissait pas l’âge exact du really old guy. Au moins avec de banales bougies, le plus vieil homme sur terre à l’apparence d’un jeune homme tout droit sorti d’une agence de mannequin ne se lancerait sûrement pas dans un comptage ultra précis. Et puis il n’était plus à une ou deux centaines d’années près !!!
Le guetteur qui passait sa vie à espionner celles des immortel et notamment celle du Highlander junior n’avait pas choisit une date
aléatoire. Il était tombé sur le récit d’un de ses si discrets mais néanmoins efficaces collègues de l’organisation secrète qui agissait dans l’ombre depuis des siècles et dont il était membre, qui racontait qu’un des compagnons de route d’un très vieil immortel avait rencontré un des plus vieux immortels blablabla… et que le nom de Metsheux était apparu pour la première fois dans une des chroniques qui évidemment n’étaient pas aux mains de cet agent double si on pouvait le qualifier ainsi. Donc il avait choisit cette date là, un hommage en quelque sorte.
Son écossais de sujet d’étude n’avait éprouvé aucune
empathie à son projet. Pire, il l’avait même charrié dans sa démarche ! Il avait été vexé et blessé. Monsieur le meilleur ami qui ne voulait pas être son ami parce qu’il était guetteur (et qui plus est le sien) et lui immortel (et qui plus est le sien), puis qui avait changé d’avis en se disant qu’il aurait peut-être besoin de ses services tout ça pour le ridiculiser à la première occasion venue, il allait voir ce qu’il allait voir… Ne jamais se moquer de quelqu’un qui en connaît plus sur vous que vous-même !!!
Il avait longuement réfléchi, s’était creuser les méninges pendant un temps incalculable, avait cassé sa voix en fredonnant d’incompréhensibles «
tohu-bohu » sur ses notes de blues qu’il grattait à la guitare. Et puis un soir, il devint Einstein, poussa un « Eureka », s’envola de joie comme un petit génie sortirait de sa lampe avant de retomber sur sa chaise tant sa jambe invalide le ramena sur terre. Mais il lui fallait avant tout la bénédiction de Monsieur morale en personne et ça, c’était toute une autre histoire. Alors il profita d’un concours d’
origami organisé dans son véritable repère à guetteurs, à immortels et aux amis mortels d’immortel, autrement dit, dans son pub, pour avoir la main sur son poulain. Et celui-ci accepta. Il accepta tout, tout de suite, sans même savoir dans quoi il s’embarquait. Bon à la fois le barbu ne lui avait pas laissé le choix, c’était ça ou se
tondre !
Le mortel en était donc là à regarder son
cadran solaire portable tant sa montre était énorme, pour vérifier l’heure quand les deux acolytes daignèrent enfin pointer le bout de leur nez. Mais ils s’immobilisèrent rapidement lorsqu’ils ressentirent cette migraine automatique, ce bruit inconscient, ce buzz incessant à l’approche d’un autre de leurs congénères. Le barman prit donc les devants :
- Du calme, ce n’est que ton protégé. Mais bon sang où étiez-vous ? Vous avez vu l’heure ?
– Il nourrissait les
tigres.
– Quoi ?
– Il s’est planqué au zoo pendant que je… dit-il en mimant Don Diego de la Véga en pleine signature dans les airs.
Les deux compères s’installèrent avant d’être dérangés par le maître des lieux qui leur demanda un petit service. Ils durent traîner un wagon à roulette digne d’un décor de cinéma sur 50 mètres. Puis le chef du bar leur demanda d’aller chercher le jeune immortel dans l’arrière salle et alors qu’il se retrouvait enfin seul, il récupéra son chalumeau derrière le comptoir et alluma les quelques milliers de bougies sur le fameux gâteau d’anniversaire.
Quelque chose clochait. Ils n’avaient pas vu de moto en arrivant et le blondinet ne s’était pas montré suite au buzz, ne serait-ce que par curiosité ou au moins par sécurité. Le proprio ne semblait pas à l’aise, et de mémoire le jeune padawan ne devait pas être sur Paname, du moins ce jour là. Tous deux présentant un truc de louche dégainèrent leurs fines lames d’acier aiguisée et astiquées plus que régulièrement et se partagèrent l’inspection de l’arrière salle jusqu’à se retrouver face à face, alertés par une majestueuse colonne noire de fumée comme tout droit sorti d’un
volcan en éruption. Ils se précipitèrent en salle, tombèrent sur le chalumeau, sur le guetteur affichant un large sourire et enfin sur l’énorme, le gigantesque, le grandeur nature du gâteau d’anniversaire. Il froncèrent les sourcils, rangèrent leurs armes, et le bon samaritain laissa son aîné faire le tour du gâteau. Il le vit se pencher pour lire à haute voix une mystérieuse formule dont seul le grand maître Yoda en avait le secret.
« Quand les bougies ne seront plus,
Ton cadeau se dévoilera.
Carte blanche tu auras,
Et personne ne s’interposera. »
Ce n’était pas son anniversaire. Mais comme il n’avait pas d’anniversaire, comme il ne le fêtait jamais parce qu’il ne s’en souvenait plus ou du moins il préférait dire qu’il ne s’en souvenait plus du fait de sa trop longue vie par rapport à sa trop courte mémoire, et surtout parce qu’il s’était donné beaucoup de mal à pousser cette carriole, il se dit qu’il pouvait bien faire semblant, pour cette fois du moins. Lorsqu’ils se retrouvèrent tous dans le noir après avoir souffler les bougies, la musique démarra, le chapeau du gâteau se souleva et une magnifique femme aux formes généreuses, aux courbes voluptueuses, habillée d’un presque rien (d’un haut de forme, d’un nœud papillon et d’un très fin string assorti aux talons aiguilles qu’elle portait), enjamba sa cachette et se présenta comme son cadeau pour la soirée. Il se retourna, vérifia si ce n’était pas une blague, visiblement non à en croire la tête de celui qui pouvait avoir toutes les femmes au monde qu’il voulait mais qui n’en désirait qu’une sans vouloir officialiser leur union mais qui en fin de compte les rendait tous les deux malheureux. Il n’allait pas tarder à mourir d’une crise cardiaque, si tant est que cela fut possible. C’est alors que le plus timide, le moins intrépide, le plus fourbe, mais aussi le plus opportuniste de tous les immortels sourit à l’assemblée et lâcha un « Je ne suis pas
laïque, mais, Merci mon Dieu… » avant de s’enfuir en courant, emmenant la plus belle, la plus maligne, la plus conspiratrice, la plus machiavélique, la plus voleuse, la plus blonde de toutes les brunes et surtout la plus amoureuse de son meilleur ami parmi.
En y réfléchissant, il se dit qu’il fêterait bien son anniversaire tous les ans.