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Le coup de la panne
Par Atalante
Défi FRM - mars 2010
Méthos fut sorti brutalement de son lit ou plutôt éjecté, ce qui était surprenant sur un vaisseau spatial dont la gravité artificielle maintenait tout au sol. Sauf s’il y avait eu collision, mais aucune alarme ne s’était déclenchée. Il se releva pour constater une seconde anomalie, à savoir la chaleur excessive qui régnait dans sa chambre. Sa réaction suivante fut de se précipiter vers le poste de pilotage. Là, Duncan, assis devant le tableau de commande s’activait sur un écran alors que plusieurs voyants s’allumaient à tour de rôle, telle une guirlande de Noël.
- Bon sang ! Qu’est-ce qui se passe ? s’exclama le plus ancien des immortels.
Mac jeta un coup d’œil vers son aîné avant de reporter son attention vers son écran de contrôle.
- Tu aurais pu t’habiller, lui répondit simplement Duncan devant la tenue de nuit de Méthos à savoir juste un boxer noir.
- Pas pensé, puis avec cette chaleur… Mais qu’est ce qui ne va pas ? On a heurté quelque chose ?
- Non, sinon il y longtemps qu’on flotterait dans l’espace intersidéral. Mais je ne sais pas ce qui se passe. C’est comme si tout s’était mis à déconner en même temps.
- Et vous pourrez réparer Mr Spock ? demanda Méthos en tentant d’imiter William Shatner.
- Crétin ! Et en plus c’était pas Spock le mécanicien, c’était Scotty. Ça fait un peu plus de six siècles et tu ne t’en souviens déjà plus. Attention, tu deviens sénile…
- Je me rappelle très bien ! Mais je préférais t’imaginer en vulcain plutôt qu’en écossais, histoire de changer un peu.
Cette joute verbale aurait pu continuer encore longtemps si l’arrivée du troisième passager du vaisseau ne fit se retourner les deux hommes vers l’entrée de la cabine de pilotage.
- Messieurs ! salua nonchalamment Amanda vêtue d’un magnifique peignoir en soie rouge. Un souci ?
- Rien que notre super pilote va pouvoir arranger, railla Méthos.
- Avec ton aide évidemment, compléta l’interpellé.
- Oh moi tu sais la mécanique… faire ça ou peigner la girafe¹, ça revient au même ! se défila Méthos. J’ai toujours été un terrestre tu sais. En plus, c’est le premier modèle de ce genre que je vois. Tu l’as dégoté comment ce tas de ferraille ?
- Eh ! C’est moi qui lui ai offert, alors parles-en avec un peu plus de respect, tu veux ? s’offusqua Amanda.
- Volé ? ne put s’empêcher de demander Méthos.
- Gagné ! répliqua Amanda en donnant une tape sur les fesses de son ami.
Méthos fut surpris et un peu gêné. Ils se trouvaient tous les trois entassés dans la cabine de pilotage et soudain cette proximité avec la belle immortelle le mit quelque peu mal à l’aise. Depuis qu’ils se connaissaient, Méthos avait parfois fantasmé sur Amanda, surtout lorsque celle-ci se pavanait dans des tenues à la limite de la décence. Mais, il savait aussi qu’il n’y aurait rien entre eux à cause de son amitié avec Mac qui, pour lui, ne valait pas le prix d’une aventure avec elle.
- Et si on prenait un petit déjeuner, déclara soudain l’ancien pour sortir de là au plus vite.
- Excellente idée, surenchérit l’immortelle.
Mais alors que Méthos se tournait vers la porte, Amanda en fit autant et tous les deux se retrouvèrent collés l’un contre l’autre. D’un geste furtif, celle-ci posa sa main sur la poitrine de Méthos comme pour le repousser, mais en fait, elle accentua la pression de son corps.
- Je mangerai bien une banane, laissa-t-elle échapper en coulant vers l’ancien un regard aguicheur.
Méthos eut soudain du mal à avaler sa salive devant cette allusion à peine déguisée. Mac fut surpris de la réponse d’Amanda. Celle-ci était une voyageuse dans l’âme depuis que l’espace était accessible à tous ou presque et elle savait pertinemment que les bananes étaient l’un des rares aliments qui n’était jamais transporté pour cause de trop grande fragilité. Il se tourna vers ses amis, juste au moment où ceux-ci s’éloignaient l’un de l’autre.
- Une banane ? demanda Mac.
- J’ai dit une banane ? s’étonna faussement Amanda.
- Ça va Méthos ? demanda à nouveau l’écossais. Tu es tout rouge.
- Il fait vraiment trop chaud ici, répondit celui-ci. Décidemment, j’aurai du prendre un vaisseau de ligne pour rentrer sur Terre.
- Un vaisseau de ligne ? Une tortue irait plus vite ! s’exclama Amanda avec une moue réprobatrice.
- Mais eux, au moins, ils ne tombent pas en panne au milieu de nul part, contre-attaqua Méthos.
- Oh ça va. On n’est quand même pas au bord d’un trou noir ! répliqua Amanda.
- Non ! les coupa Mac exaspéré. Mais on n’est pas loin d’un champ d’astéroïdes. Et si je ne répare pas au plus vite, je ne garantis pas que l’un de ces rochers ne va pas venir nous réduire en poussière. Passer le reste de sa vie ou plutôt de sa mort congelé dans le vide spatial, très peu pour moi. Alors si vous ne voulez pas m’aider, aillez au moins la gentillesse d’aller vous chamailler ailleurs !
Méthos s’effaça pour laisser sortir Amanda en premier. L’idée même de la savoir derrière lui, l’empêchait de penser rationnellement. Mais alors qu’elle se dirigeait vers la cuisine, Méthos, lui, prit la direction de sa cabine.
- Eh ! Où tu vas ? Je croyais que tu voulais déjeuner ? l’interpella-t-elle.
- Juste après avoir enfilé une tenue convenable, répondit Méthos d’un ton qu’il espérait neutre. Je te rejoins dans un instant.
Mais Amanda ne semblait pas en avoir fini avec le doyen de l’humanité. Elle le plaqua contre la paroi du vaisseau, son regard vissé dans celui de son prisonnier. Et c’était bien comme cela que Méthos se sentait, prisonnier de son amitié pour Mac alors qu’il sentait une vague de désir incontrôlé monter en lui. Pourtant, lorsqu’Amanda tenta de l’embrasser, il détourna la tête.
- Je te promets que je ne viens pas d’avaler une soupe à l’oignon, déclara la jeune femme d’une voix suave.
- C’est pas ce qui m’inquiète le plus en ce moment…, répondit Méthos bafouillant à moitié.
- Et qu’est-ce qui t’inquiète en ce moment ?
- L’idée que Mac sorte de la cabine, qu’il nous surprenne et qu’il en veuille à mon scalp, si ce n’est carrément pas toute ma tête qu’il voudra s’offrir !
- Couard !
- Peut-être, mais le plus vieux couard de la race humaine et qui a surtout très envie de le rester.
- Bon ! Je te laisse te rhabiller, mais ce n’est que partie remise.
Méthos laissa Amanda s’éloigner en direction de la cuisine et recommença à respirer. Pourtant, la dernière répartie de son amie ne lui laissait rien présager de bon pour la suite du voyage. Dire qu’il avait renoncé à un voyage en première classe sur un vaisseau de ligne sur l’insistance de Mac qui voulait qu’il soit avec eux lorsqu’il fêterait ses mille ans. Mais ce n’était pas avant plusieurs mois, il aurait largement eu le temps de les rejoindre sur Terre. S’il avait su comment cela tournerait….
Mac avait accueilli le silence avec gratitude. Ces petites chamailleries entre eux trois étaient presque devenues un rituel depuis qu’ils se connaissaient et en tant normal, il trouvait cela divertissant. Mais, là, il avait besoin de calme et de concentration avant que ce vaisseau ne parte à la dérive. A force de recouper les données sur l’écran de contrôle, il avait fini par localiser le problème. Il démonta l’une des plaques qui protégeait les divers circuits et alla inspecter l’enchevêtrement de câbles, de puces et autres composants électroniques.
Il finit par découvrir un petit bout de métal incongru qui faisait court-circuit. Lorsqu’il retira l’intrus, tous les voyants se remirent à la normale. Mac lança un check-up complet et l’ordinateur de bord lui apprit que tout était rentré dans l’ordre, le vaisseau était de nouveau près à continuer sa route. Mac regarda la petite chose qui avait occasionnée tant de problème avec perplexité. Ça ressemblait étrangement à un petit bout de pince dont Amanda se servait pour tenir ses cheveux qu’elle avait plutôt longs en ce moment. Pourtant, pourquoi l’immortelle aurait-elle voulu interrompre ce voyage ? Ça ne tenait vraiment pas debout !
Duncan en était toujours à ses réflexions, quand il sentit la présence toute proche d’un immortel, avant de voir, un instant plus tard, Méthos débouler à nouveau dans la cabine. A la différence qu’il était habillé cette fois-ci.
- Réparé ? demanda l’ancien d’un ton morne.
- Ouais, Amiral Kirk ! s’exclama Duncan en reprenant la plaisanterie de Méthos.
- Je veux que tu me déposes sur la planète la plus proche et qui soit sur le passage des lignes commerciales.
Méthos avait débité cette phrase sur le même ton monocorde. Fini le ton léger d’une heure plus tôt.
- Qu’est ce qui se passe ? s’inquiéta Mac.
- Rien. Je veux juste descendre. Et inutile de me dire d’ouvrir la porte et de sortir, tu me l’as déjà faite celle-là, répliqua l’ancien se rappelant leur premier voyage spatial.
- Méthos, voyons, explique-moi ! Le vaisseau est réparé. Il n’y aura plus aucun souci…
- J’ai formulé une simple requête. Est-ce si compliqué d’y accéder ?
Duncan sentait bien que quelque chose s’était passé, mais il n’arrivait pas à comprendre quoi. Même si Méthos n’était pas un fan des voyages spatiaux, son attitude était disproportionnée compte tenu du petit problème qu’ils avaient rencontré. Néanmoins, l’ancien était son meilleur et son plus vieil ami. S’il voulait finir le voyage autrement… Mac se tourna vers l’ordinateur de bord et demanda les coordonnées de la planète la plus proche.
- Shlurbinia ! dit Duncan.
Méthos poussa un soupir, mais Mac ne put déterminer s’il s’agissait de consternation ou de soulagement.
- Tu parles d’un nom, tenta de plaisanter l’écossais. Le type qui l’a découverte a dû éternuer au moment où on lui a demandé comment il voulait l’appeler !
Mais sa boutade tomba à l’eau et Méthos se contenta de quitter la cabine sans un mot. Il croisa Amanda et fit ostensiblement mine de s’écarter d’elle. La jeune femme ne put retenir un sourire qu’elle effaça dès qu’elle pénétra à son tour dans la cabine de pilotage.
- Méthos nous quitte, lâcha Mac d’une voix morne.
- Oh ! s’exclama Amanda l’air déçue.
- Tu ne saurais pas pourquoi ? insista-t-il en posant devant elle le petit bout de métal à l’origine de la panne.
- Moi ? Pas la moindre idée.
Le vaisseau des trois immortels s’était posé sur la planète Shlurbinia. Méthos se rappela la blague de Duncan sur l’éternuement en se disant que c’était plutôt en reniflant que le nom de cette planète avait été trouvé. Le temps était gris et humide, une brume quasi permanente recouvrant la planète.
- Tu es sûr que tu ne veux pas changer d’avis ? insista Duncan désolé de laisser son ami là.
Méthos hésita un instant. Le prochain vaisseau pour la Terre ne passerait pas avant deux bonnes semaines s’il n’avait pas de retard. Pourtant lorsqu’Amanda se jeta à son coup en insistant à son tour pour qu’il reste, tout en laissant glisser une main sur ses fesses, il sut qu’il prenait la bonne décision.
Il regarda ses amis décoller, puis se dirigea vers l’hôtel de l’astroport en espérant que cette ville aurait au moins une bibliothèque digne de ce nom. Il regarda le Shlurb qui lui demandait sa carte de crédit en ce disant que les habitants de cette planète avait l’air aussi déprimant que leur environnement. Mais au moment de sortir son moyen de paiement de sa poche, il découvrit un petit mot plié.
« Désolée Méthos, mais aujourd’hui c’est la Saint Valentin et je ne voulais pas qu’on soit deux à « déballer mon cadeau ». Rendez vous sur Terre pour l’anniversaire de Mac. Ton amie, Amanda »
Il venait encore de se faire avoir par la belle immortelle. Il poussa un soupir avant de marmonner : « apparemment, il n’était pas si sexy ce boxer ».
Le vaisseau avait repris sa route sous pilote automatique. Et quand Amanda se jeta littéralement sur Mac vêtue des dessous les plus affriolants qu’il lui ait été donné de voir, il n’eut plus aucun doute sur l’origine de la panne,… ni plus aucun scrupule à avoir laissé Méthos sur Shlurbinia.
FIN
1 - Peigner la girafe : Effectuer en vain une tâche très longue, travailler inutilement.
Sujet: Le coup de la panne 
Jeu 1 Avr - 11:31
